La stratégie fiscale du Conseil-exécutif est un outil majeur pour que le canton de Berne continue à offrir un cadre de vie et un espace économique attrayants. En matière de fiscalité des entreprises, cette stratégie définit des mesures préservant spécifiquement les conditions favorables dont bénéficient actuellement les sociétés domiciliées dans le canton pour éviter que la fiscalité ne les incite à aller s’installer ailleurs. Elle vise aussi à favoriser la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, afin de renforcer l’espace économique bernois.
Début 2014, la Direction des finances avait mis sur pied une équipe de quatre spécialistes indépendants, placés sous la direction du professeur Urs Müller (Bâle), pour élaborer les bases scientifiques d’une stratégie fiscale, toute première du genre. Les experts étaient chargés d’analyser le rapport entre la charge fiscale et le produit de l’impôt dans le canton de Berne, afin d’établir s’il serait possible de baisser l’impôt des personnes physiques tout en augmentant les rentrées fiscales. Aucune étude de ce type n’avait jamais été réalisée en Suisse jusque-là. En janvier dernier, cette équipe a expliqué au Conseil-exécutif qu’une baisse de l’impôt des personnes se traduirait par des pertes fiscales à peu près équivalentes à la somme que représenteraient les allégements.
Le Conseil-exécutif a coordonné le volet fiscalité des entreprises de sa stratégie fiscale avec les résultats de la procédure de consultation fédérale relative à la troisième réforme des entreprises (RIE III). Il avait adopté son avis sur ce projet de réforme en janvier dernier. La RIE III accentuera la concurrence que se livrent les cantons en matière de fiscalité des entreprises. Dans son message, le Conseil fédéral fait de la baisse de l’impôt sur le bénéfice un élément majeur de son projet de réforme. De nombreux cantons ont d’ailleurs annoncé des mesures de ce type au cours des derniers mois. Pour le Conseil-exécutif, il est par ailleurs nécessaire de trouver des moyens permettant de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale, afin de remédier à la pénurie de main-d’œuvre qualifiée.
Berne mal classé face aux autres cantons
L’impôt sur le revenu des personnes physiques représente 68% de l’ensemble des rentrées fiscales du canton de Berne, ce qui en fait l’impôt le plus rémunérateur, suivi par l’impôt sur le bénéfice, qui en représente 10 pour cent. Ces deux impôts clés pour la politique financière sont très élevés dans le canton de Berne par rapport aux autres cantons. Cette année, seuls deux cantons imposent le bénéfice plus fortement. Et, à types de ménages et catégories de revenu équivalents, celui-ci se trouve en queue de classement, dans le tiers des cantons imposant le plus fortement le revenu.
Mesures et financements prévus
Dans ces circonstances, le Conseil-exécutif pense qu’il est nécessaire d’agir au niveau de la fiscalité des entreprises et d’instaurer des mesures permettant de mieux concilier travail et famille. Les trois mesures qu’il propose dans son rapport sur la stratégie fiscale sont donc les suivantes :
Fiscalité des personnes morales
- Abaissement, échelonné de 2018 et 2021, du taux maximum du barème d’imposition du bénéfice
- Baisse de l’impôt ordinaire sur le capital à partir de 2018
Fiscalité des personnes physiques
- Relèvement du plafond de la déduction des frais de garde des enfants par des tiers (ci-après frais de garde), qui passerait de 3100 francs aujourd’hui (8000 francs à compter du 1.1.2016) à 10 100 francs à partir de 2018
Concernant l’imposition du bénéfice, le Conseil-exécutif met deux variantes en consultation, l’une visant à réduire l’impôt maximum à 16,37% du bénéfice, l’autre à 17,96%, contre 21,6% actuellement. S’agissant du capital, il propose d’abaisser le taux d’imposition de 3‰ aujourd’hui à 0,1‰. La stratégie fiscale engendrera à partir de 2018 des pertes fiscales qui augmenteront chaque année jusqu’en 2021, date à laquelle la stratégie aura complétement été réalisée. Les pertes cantonales et communales iront alors respectivement de 160 à 200 millions de francs et de 80 à 100 millions de francs environ selon la variante qui aura été retenue pour l’imposition du bénéfice. Ces pertes seront couvertes, entre autres, par les versements compensatoires prévus par la Confédération dans le cadre de la RIE III. Le Conseil-exécutif propose en outre d’augmenter l’impôt sur les véhicules routiers au niveau de la moyenne suisse, ce qui rapporterait environ 40 millions de francs de plus pour financer la stratégie fiscale.
Evaluation générale des immeubles non agricoles et des forces hydrauliques
Le gouvernement a adopté ce mois-ci, à l’intention du Grand Conseil, un projet d’évaluation générale des immeubles non agricoles et des forces hydrauliques au 31 décembre 2019. Cette évaluation générale augmenterait a priori le produit cantonal et communal annuel de l’impôt sur la fortune de respectivement 32 millions de francs et 17 millions de francs environ à compter de 2020. Les communes pourraient en outre tabler sur une hausse d’environ 60 millions de francs du produit de la taxe immobilière; elles tireraient donc un avantage nettement plus important que le canton de l’évaluation générale 2019.
L’évaluation générale 2019 doit être réalisée indépendamment de la stratégie fiscale, car les valeurs vénales et les valeurs de rendement des immeubles ont significativement évolué dans tout le canton depuis la dernière évaluation générale au 1er janvier 1999. Le Conseil-exécutif avait déjà annoncé cette évaluation générale 2019 dans le cadre de l’examen des offres et des structures (EOS 2014). L’Intendance des impôts a donc élaboré les bases de cette évaluation générale à l’intention du Conseil-exécutif et du Grand Conseil indépendamment des travaux relatifs à la stratégie fiscale. Il est prévu que le Grand Conseil examine le projet d’évaluation générale lors de ses sessions de janvier et mars 2016 (voir communiqué de presse du 17.9.2015 consacré à l’évaluation générale).
Adéquation avec la politique financière
Il apparaît à ce que jour que le coût net de la stratégie fiscale en 2018 et 2019 est compatible avec la politique financière. Mais la charge augmentera fortement en 2020 et 2021. Or, les moyens de financement (versements compensatoires dans le cadre de la RIE III et adaptation de l’impôt sur les véhicules à moteur) et les rentrées fiscales supplémentaires que dégagera l’évaluation générale 2019 risquent de ne pas suffire à couvrir l’intégralité des pertes fiscales, même si la politique financière du canton de Berne jouit de bien meilleures perspectives depuis deux ans. Les prévisions budgétaires réjouissantes ne doivent pas faire oublier que la politique financière du canton de Berne devra, à moyen terme, encore composer avec certaines difficultés significatives.
La stratégie fiscale doit être financée de telle sorte que le canton puisse continuer à financer durablement la dette et à fournir à la population bernoise des services publics de quantité et qualité équivalentes. Le canton doit également pouvoir investir suffisamment pour contribuer au développement de l’économie bernoise. Enfin, il veut pouvoir garantir des conditions de travail compétitives à son personnel.
Le Conseil-exécutif est prêt à réaliser la stratégie fiscale bien qu’elle ne soit, pour l’heure, pas complètement financée à long terme à l’échelon cantonal. Il estime que c’est un risque budgétaire calculé et financièrement limité. Il s’engage sur cette voie après avoir soigneusement pesé les arguments financiers et fiscaux pour ou contre la mise en œuvre des différentes mesures de la stratégie fiscale. A ses yeux, l’aménagement du barème d’imposition du bénéfice, principale mesure de la stratégie fiscale, est indispensable pour assurer la compétitivité économique du canton de Berne à long terme.
Impossible d’alléger significativement les impôts des personnes physiques
Les spécialistes qui ont analysé le rapport entre la charge fiscale et le produit des impôts des personnes physiques ont établi que tout allégement fiscal dans ce domaine se traduirait par des pertes à peu près équivalentes à la somme que représenteraient les allégements. Or, les ressources financières du canton de Berne restent limitées. L’allégement fiscal des personnes physiques ne serait en conséquence possible que s’il était financé par une augmentation correspondante des recettes ou une baisse des dépenses, voire les deux, ce qui impliquerait une nouvelle réduction des prestations du service public. Vu l’importance financière des impôts des personnes physiques, les baisser de manière significative se traduirait, contrairement à un allégement fiscal des entreprises, par des pertes fiscales incompatibles avec la politique financière bernoise actuelle.
Depuis la révision totale de la loi sur les impôts de 2001, l’impôt des personnes physiques a en outre déjà été effectivement allégé (hors compensation de la progression à froid) pour la somme (annuelle) de près de 235 millions de francs, sachant que la cible de ces allégements était les familles et la classe moyenne. A cela se sont ajoutées des réductions significatives des impôts sur les véhicules à moteur et de l’impôt sur les mutations.
Mise en œuvre lors de la révision 2018 de la loi sur les impôts et actualisation prochaine
La révision 2016 de la loi sur les impôts qui est en cours n’est pas concernée par les débats relatifs à la stratégie fiscale. Les mesures définies par cette stratégie doivent toutes être mises en œuvre à l’occasion de la prochaine révision fiscale, qui doit prendre effet le 1er janvier 2018. Cette révision sera également l’occasion de mettre en œuvre la RIE III, si ce projet est entré en force d’ici là. Il est prévu d’actualiser la stratégie fiscale d’ici 2021/2022. Vu que l’évolution de la politique financière est encore incertaine à ce jour, il conviendra dans ce cadre d’examiner tout particulièrement la possibilité d’alléger les impôts des personnes physiques.