Le Département fédéral des finances a ouvert la consultation sur le projet de réforme de l’imposition des entreprises (RIE III) le 20 septembre dernier. Dans l’avis qu’il a remis à cette occasion, le Conseil-exécutif du canton de Berne met en avant les critiques qu’il nourrit à l’égard de ce projet, soulignant le fait qu’il a une portée majeure sur la politique financière et fiscale de la Confédération, des cantons et des communes.
Le Conseil-exécutif est conscient que la communauté internationale n’accepte plus les avantages fiscaux réservés à certaines entreprises (sociétés jouissant d’un statut fiscal particulier). Il convient donc que le statu quo n’est pas une option réaliste. En supprimant ces avantages fiscaux, la Suisse perdra néanmoins un atout compétitif de taille. Il règnera en outre une insécurité juridique qui, en altérant les capacités de planification des entreprises, érodera encore la compétitivité fiscale du pays.
Le Conseil-exécutif admet donc qu’il est indispensable de réformer l’imposition des entreprises. Il doute toutefois que les mesures fiscales que propose la Confédération suffisent à préserver la compétitivité internationale de la Suisse vis-à-vis des sociétés à statut particulier. Il pense que les cantons particulièrement touchés par la réforme voudront baisser leur impôt sur le bénéfice, afin de rester compétitif sur la scène internationale, ce qui se traduira par une concurrence fiscale intercantonale accrue pour les cantons les moins touchés, comme Berne.
De nombreuses mesures aux conséquences financières hypothétiques
De l’avis du gouvernement, le projet mis en consultation compte trop de mesures dont les effets sont hautement incertains. Ces incertitudes, ajoutées au souvenir de la nette sous-estimation des conséquences financières de la dernière réforme de l’imposition des entreprises, lui font craindre que le projet soit rejeté par le parlement fédéral ou à l’issue d’un éventuel référendum. Il demande donc l’abandon des mesures compliquant le projet.
A ces yeux, la RIE III doit se concentrer sur des mesures de politique fiscale qui préservent la compétitivité fiscale suisse, tout en étant rentables et acceptées par la communauté internationale. Il défend donc les mesures allant dans ce sens, en particulier les réglementations prévues pour l’enregistrement comptable des réserves latentes, l’instauration d’une « licence box », un dispositif d’imposition préférentielle des produits de licence, et l’assujettissement des titres à un impôt sur le capital, seule mesure de financement agissant sur les rentrées fiscales. Il désapprouve toute autre mesure fiscale, qui n’aurait pour effet que de restreindre davantage encore la marge de manœuvre financière et d’accroître la complexité de la réforme et les incertitudes qui lui sont liées.
Niveau d’imposition du bénéfice sous la pression de la réforme
Si le projet de réforme ne prévoit formellement pas de réduction des impôts cantonaux sur le bénéfice et le capital, il faut néanmoins s’attendre à ce qu’il pousse les cantons à baisser leur impôt sur le bénéfice. Or de nombreux cantons sont dans une situation financière très tendue. Le Conseil-exécutif demande donc à la Confédération de prendre à sa charge la plus grosse part des conséquences financières que générera la RIE III, en compensant 60% du manque à gagner fiscal, ce qui correspond à sa part au produit de l’impôt. Cette compensation financière est fixée à 50% dans le projet.
Cela étant, les conséquences financières de la RIE III sur les cantons et les communes sont difficiles à estimer. En perspective du nouveau processus cantonal de planification financière, l’Intendance des impôts calcule actuellement les conséquences financières d’une baisse de l’impôt sur le bénéfice selon différents scénarios. Pour évaluer la marge de manœuvre, il faudra non seulement tenir compte des conditions générales sur lesquelles ne canton ne peut peser (notamment les décisions fédérales et l’évolution démographique et économique), mais aussi des résultats de la révision 2016 de la loi sur les impôts, qui est en cours et qui prévoit le plafonnement des frais de transport déductibles des revenus. Il faudra en outre tenir compte de la distribution des parts de bénéfice de la BNS, ainsi que de l’évolution des domaines de la formation, de la santé et du social. Dans le cadre du processus de planification du budget 2016 et du plan intégré mission-financement 2017-2019, qui va bientôt démarrer, le Conseil-exécutif examinera si le canton dispose d’une marge de manœuvre pour introduire des mesures de promotion économique si oui, à partir de quand.